Les gens de ma génération se souviennent du temps où les premiers systèmes de navigation par GPS ont été lancés. J’avais un ami qui en disposait d’un dans son véhicule mais qui persistait à suivre sa traditionnelle carte routière. C’était amusant de voir comment le système de navigation recalculait sans cesse les itinéraires routiers que mon ami continuait de ne pas suivre. C’est ce souvenir relaté qui m’a poussé à parler de ce que j’ai décidé de nommer le paradoxe du GPS : moins un GPS est suivi, plus il a besoin de recalculer. Parfois, le système de navigation proposait des itinéraires que mon ami voulait bien sûr, ce qui le satisfaisait grandement : “Tu vois, j’ai raison ?”
De nos jours, très peu de gens continuent d’utiliser leur système de navigation de cette manière. La majorité d’entre nous suivent les directions sans trop dévier du trajet proposé. Nous utilisons même des systèmes avancés qui nous guident à travers des routes de campagnes dont nous n’avions jamais eu connaissance (Cela est vrai au moins pour les 65 millions d’utilisateurs de Waze dont je fais partie). Nous approchons d’un stade où nous laissons les algorithmes non seulement décider du trajet à suivre, mais également diriger le véhicule en lui-même. Le monde a beaucoup évolué.
Moins un plan est suivi, plus il doit être recalculé.
Les systèmes de navigations ne sont pas les seuls systèmes de décisions qui sont soumis au paradoxe du GPS. Des départements entiers de supply chain en sont victimes. Qui n’a jamais entendu parler d’une entreprise qui a engagé d’importants investissements dans un logiciel de planification mais où le planificateur remet continuellement en cause le plan élaboré par le système ? Ou d’une entreprise où les planificateurs remettent continuellement à jour le plan car la production ne suit pas ce qu’ils avaient planifié? Ici, le paradoxe du GPS continue d’être présent. Un algorithme calcule et optimise les plans, la production les remet en cause, la supply chain calcule à nouveau et ainsi de suite. Peut-être que le nombre de fois qu’un plan doit être recalculé pourrait être un excellent indicateur pour évaluer à quel point il est médiocrement suivi au niveau opérationnel ?
Qu'est-ce qui fait que nous soyons si enclins à remettre en cause des plans élaborés ?
Quelle est l’utilité de recalculer un plan si ce n’est pour le remettre en cause ? Lorsqu’un plan est réévalué, prenons-nous véritablement de meilleures décisions que si nous l’avions simplement suivi ? Qu’est-ce qui fait que nous soyons si enclins à remettre en cause des plans élaborés par d’autres personnes ou d’autres algorithmes ?
- Le postulat selon lequel les algorithmes sont sources d’erreurs. Il ne fait aucun doute que planifier par des algorithmes ne permettra pas toujours de prendre la décision la plus juste. Mais elle ne le sera pas toujours non plus si elle est prise par le planificateur des approvisionnements ou le gestionnaire de production d’une usine. La question n’est pas “ Les algorithmes prennent-ils toujours la bonne décision ?” mais plutôt “Les algorithmes prennent-ils de meilleures décisions que les êtres humains dans une situation similaire ? ”
- La différence ressentie entre de mauvaises décisions prises par d’autres et celles que nous prenons nous-même. Des collègues, qui ont eu l’occasion de lire à l’avance ce blog, ont mentionné le cas célèbre qui raconte que des gens avaient eu un accident routier parce que leur système de navigation leur avait dit de prendre un itinéraire qui n’existait pas. Evaluez par vous-même combien de personnes auraient eu un accident routier de cette nature par rapport au nombre de personnes qui ont eu un accident routier parce qu’elles ont, d’elles-mêmes, simplement quitté la voie sur lequel elles s’étaient engagées.
- Le besoin de sentir que l’on a le choix. Un autre collège m’a fait savoir qu’il prête toujours attention aux différents trajets que lui propose Waze et choisi celui qu’il pense être le mieux. Le sentiment qu’il ait choisi lui-même l’itinéraire routier le rend beaucoup plus facile à suivre après tout.
La première étape vers une supply chain sans pilote ?
La question n’est pas “Les algorithmes prennent-ils toujours la bonne décision ?” mais “Les algorithmes prennent-ils de meilleurs décisions que les êtres humains?”
Avec les systèmes de navigation, la plupart d’entre nous avons appris que les algorithmes pourraient ne pas prendre l’itinéraire routier que nous avions en tête mais qu’ils nous conduiraient à notre point de destination de manière efficace et avec le moins d’efforts possible. Cela ne pourrait-il pas également s’appliquer aux plans de la supply chain ?
Ne devrions-nous pas promouvoir une approche similaire pour la Supply Chain et construire des processus où le plan ne sera pas remis en cause ? Cela ne nous amènerait-il pas vers plus de stabilité et de prévisibilité ? Et finalement constituer une première étape vers une supply chain sans pilote ?
Partagez vos opinions.
Est-ce possible ? Pourquoi ? Pourquoi pas ? Qu’est-ce qui nous retient ? Que devrions-nous changer pour concrétiser cela ?