Les KPI sont morts, vive les KBI !

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Nous pouvons avoir de beaux outils, mais c’est toutefois le comportement des dirigeants et des collaborateurs qui déterminera les résultats finaux.

KPI vs KBI

Le projet a-t-il réussi ?

Le responsable de la logistique et des achats m’a demandé d’aller observer certains éléments sur le terrain. Leur nouveau système ERP avait été mis en œuvre environ 2 ans auparavant et il voulait savoir à quel niveau les connaissances étaient encore insuffisantes afin de s’en servir pour un plan de formation. Vaillamment, je suis allé m’entretenir avec plusieurs collaborateurs.

Ainsi, j’ai demandé à un collaborateur de m’expliquer et de me montrer ce qu’il faisait exactement, à la manière d’un chef dans une émission culinaire. « Et maintenant j’adapte l’imprimante sur la bonne imprimante... Cela fait déjà longtemps que cette option est mal configurée dans le système. » Aucun réflexe pour signaler ce problème afin qu’il soit résolu une fois pour toutes de manière structurelle plutôt que de devoir le corriger tous les jours. Et ce ne fut pas l’exception au cours de mes observations.

Les collaborateurs savaient ce que devait être le résultat final, mais ils estimaient moins important de savoir comment ou avec quelle efficacité celui-ci était obtenu. Est-ce là le comportement, et le résultat qui en découle, que vous voulez atteindre en tant qu’organisation ?

 

Êtes-vous maître de votre culture ou est-ce que votre culture vous dirige ?

La mise en œuvre d’un outil peut bien être « on time and on budget », il faut aussi que cet outil soit utilisé d’une manière efficace après sa mise en œuvre. Nous pouvons avoir de beaux outils, mais c’est toutefois le comportement des dirigeants et des collaborateurs qui déterminera les résultats finaux. Comme l’un des principes du modèle Shingo l’explique très bien : ce n’est que par un comportement idéal que l’on obtient des résultats idéaux. Si nous voulons un environnement 100 % sûr, alors nous voulons voir nos collaborateurs interpeller les autres si ces derniers font preuve d’un comportement dangereux.

Si nous voulons une culture d’amélioration continue, alors nous voulons voir en permanence de nouveaux éléments affichés sur le tableau des améliorations et nous voulons voir un partage spontané des « trucs et astuces ». Nous voulons que les cadres montrent le bon exemple et que, lorsqu’un dirigeant constate un comportement inefficace chez certains collaborateurs, il puisse leur en faire part de manière correcte. Mais comment obtient-on ce comportement idéal que nous voulons voir au sein de notre organisation ?

The only thing of real importance that leaders do is to create and manage culture. If you do not manage culture, it manages you, and you may not even be aware of the extent to which this is happening. - Professeur Edgar Schein, de la MIT Sloan School of Management, MIT Leadership Center.

 

Key Behavior Indicators : cinq étapes dans la bonne direction

 

Étape 1 : La toute première question qu’il faut se poser en tant que dirigeant est : quelle est la culture que je veux au sein de mon organisation ?

La culture souhaitée est la somme de tous les comportements souhaités que vous voulez observer, du CEO à l’opérateur.

 

Étape 2 : Communiquez le comportement idéal à toute l’organisation.

La co-création est un facteur de réussite : impliquez les cadres et les collaborateurs dans sa définition. Communiquez le comportement que vous attendez à toute l’organisation et déterminez ensemble avec les collaborateurs comment ce comportement idéal se traduit dans leurs tâches quotidiennes au sein du département/de l’équipe. Ce n’est que si les collaborateurs comprennent réellement ce que l’on attend d’eux qu’ils pourront effectivement adopter ce comportement.

 

Étape 3 : Parallèlement aux résultats souhaités, mesurez aussi le comportement idéal que vous voulez voir.

La performance est souvent mesurée au moyen de KPI : croissance de la part de marché, satisfaction des clients, turnover... Nous trouvons tout à fait logique d’un point de vue processus de mettre en œuvre un processus idéal à partir de lignes directrices dont on assure le suivi au moyen d’indicateurs de performance. Mais trouvons-nous tout aussi logique de faire la même chose pour l’élément le plus élémentaire de notre organisation : notre culture ?

Il est naturellement très important de mesurer les résultats et d’assurer le suivi des KPI, mais ce l’est tout autant de suivre la manière dont notre comportement évolue dans la bonne direction. Il peut par exemple arriver qu’il n’y ait eu aucun incident sur un site de production au cours de l’année écoulée, mais si aucune visite de sécurité n’a eu lieu ou qu’aucune action préventive n’a été prise pour garantir la sécurité ou même l’augmenter, ce chiffre historique n’a alors aucune valeur prédictive. Il est certainement très intéressant de savoir combien on a économisé grâce à la mise en œuvre d’idées d’amélioration, mais sait-on combien d’idées d’amélioration ont été émises par les collaborateurs ?

Parallèlement aux KPI habituels, nous devrions aussi avoir des KBI, des « Key Behavior Indicators ». Ceux-ci doivent vérifier dans quelle mesure le comportement que nous voulons observer dans notre organisation est déjà présent. Un autre avantage est que ces indicateurs revêtent aussi un caractère « directeur » : ils sont prédictifs de bonnes prestations futures.

 

Étape 4 : Visualisez ces points de mesure

Lorsque nous visualisons nos résolutions, nos chances de réussite passent de 4 % à 40 %. Le fait de visualiser les choses permet de montrer clairement ce qui est important. Accrochez un tableau blanc avec les points de mesure au mur de tous les départements, reprenez les points de mesure sur les plateformes existantes comme la réunion de début de journée, les « performance meetings » hebdomadaires/mensuels. Les KBI sont les panneaux indicateurs qui conduisent au comportement idéal pour atteindre les résultats idéaux. Ils sont tellement importants qu’ils ont tout à fait leur place sur votre tableau de bord.

 

Étape 5 : Go to the Gemba

Une présence sur le lieu de travail est importante mais être simplement présent ne suffit pas. Maintenant que le comportement idéal est connu, les « gemba walks » ne doivent plus être des visites dépourvues de structure. Regardez et observez si vous constatez le comportement idéal et des différences entre le comportement actuel et le comportement souhaité. Votre gemba walk est d’ailleurs en tant que tel une expression de votre conviction et d’un comportement cohérent : il montre que c’est sur le terrain que l’on crée de la valeur et que les cadres doivent y consacrer une partie importante de leur temps pour observer, poser des questions, apprécier.

Savez-vous déjà quel est le comportement que vous voulez observer au sein de votre organisation ? Vos collaborateurs le savent-ils ? Gandhi a dit « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ». Et si nous commencions par « Sachez quel est le changement que vous voulez voir dans votre organisation » ?