Les hôpitaux évoluent dans un contexte de plus en plus complexe et exigeant. D’une part, une pression croissante pour réduire les coûts tout en améliorant la qualité des soins, et d’autre part une raréfaction des ressources humaines, une spécialisation accrue des besoins en matériel (DMS, DMI, Dispositifs restérilisables) et une augmentation des ruptures de stock (DMS, DMI, médicaments, ANS). En outre, la part du travail logistique assurée jusqu’à présent par les praticiens tend à diminuer pour leur permettre de se concentrer sur leur activité de soins, rendant la gestion des stocks et des équipements encore plus difficiles. Dans ce contexte, la nécessité d'optimiser la chaîne logistique devient cruciale pour garantir la pérennité et l'efficience des services hospitaliers.
Le renforcement des partenariats entre hôpitaux a ouvert la voie à la mise en œuvre de plateformes logistiques. La mutualisation permettant de bénéficier d’économies d’échelles à différentes étapes du processus, d’une professionnalisation des processus et d’un rééquilibrage dans la relation avec les fournisseurs…Cependant, leur mise en place reste plutôt confidentielle en Belgique. Quels sont dès lors les facteurs clés sur lesquels travailler pour développer une plateforme logistique optimale ?
Les caractéristiques des plateformes logistiques modernes
La plateforme logistique hospitalière du futur doit être conçue pour répondre de manière proactive aux besoins changeants des établissements de santé. Voici quelque caractéristiques clés :
1. Gestion des stocks en temps Réel
La mise en place d’un Système de Gestion des Stocks (WMS) est une condition sine qua non pour développer un visibilité totale sur les niveaux de stock, leur localisation, ainsi que sur les flux de marchandises. C’est un principe clé dans l’optimisation du volume stocké, des superficies occupées et des ressources à mobiliser.
Outre l'optimisation des espaces de stockage à un moment donné (éviter la désignation d’un emplacement fixe pour chaque référence), un WMS bien structuré offre la possibilité d’exploiter pleinement les données qu'il intègre. Il permet non seulement des analyses classiques, telles que l’enregistrement des mouvements de stock et la consommation (qui, quand, combien), mais aussi l'ajustement des références à conserver (quantité, format, emplacement). De plus, il ouvre la voie à des modèles plus avancés, comme ceux basés sur des analyses prédictives ou l'IA, pour anticiper les commandes, les pics d'activité et leur localisation, optimisant ainsi l'affectation des ressources et réduisant les risques de rupture de stock.
Le WMS permet de ce fait, un gain en surface au sol lors de la conception (jamais d’espace vide en attente de réapprovisionnement), mais également tout au long de la durée de vie de la plateforme (jamais d’article dormant).
2. Optimisation des flux logistiques
L'optimisation des flux logistiques vise à améliorer l'efficacité des mouvements de marchandises au sein de la plateforme, jusqu’aux établissements de soins. Elle se base sur les principes du Lean en identifiant la valeur ajoutée de chaque étape et de chaque ressource afin de réduire les différentes formes de gaspillages (les 7 mudas) et de fluidifier les processus. Assorti d’une intégration efficace avec les autres acteurs de la chaine d’approvisionnement, elle permet de réduire le temps de mise à disposition des articles après commande et de réduire les coûts de fonctionnement.
3. Automatisation avancée
L’automatisation (chaine automatiques, robots industriels, robots collaboratifs/cobots) est une solution complémentaire qui permet de potentialiser la gestion des processus et des stocks. Elle permet de travailler sur deux aspects cruciaux dans le processus, à savoir la réduction des manutentions lourdes et du taux d’erreur. L’automatisation est régulièrement évoquée en tant qu’aide à la préparation des commandes, qu’optimisation des espaces de stockage, ou encore, au sein des institutions afin d’acheminer le matériel d’un point à un autre.
L’automatisation permet, en effet, d’accélérer la réalisation des tâches tout en réduisant le port de charge. Ces points sont souvent évalués dans les études de faisabilité en analysant les durées pour chaque tâche automatisée, en les comparant avec la situation manuelle et en y affectant les coûts. On obtient ainsi le gain financier potentiel obtenu par l’automatisation.
La réduction du taux d’erreur devrait également être un facteur à prendre en considération car il a des répercussions notables sur la satisfaction des usagers finaux, sur la prévisibilité de l’activité, sur le lissage de la charge de travail et finalement sur le budget. À titre d’exemple, pour une plateforme préparant +/-500.000 lignes de commande, la gestion des erreurs peut représenter 1 ETP au sein des services logistiques.
En réduisant la manutention et le risque d’erreur inhérent au travail humain, l’automatisation modifie profondément la nature des tâches à effectuer et les profils supportant les opérations logistiques.
L’automatisation est également une opportunité pour modifier le paradigme des flux logistiques. En effet, là où dans un système « manuel », la tâche la plus chronophage est la préparation des commandes pour les services, dans un modèle automatisé, c’est la mise en stock des articles. Cela permet d’envisager une augmentation de la fréquence de livraison dans les unités et donc une réduction des superficies de stockage dans les unités.
4. Personnalisation et Adaptabilité
La mise en place de solutions sur mesure vise à livrer les différents services selon leurs besoins et leur évolution dans le temps. En préalable de sa mise en œuvre, elle nécessite la mise en place d’un cadre de collaboration entre les différentes parties afin que chacune puisse s’organiser au mieux. Néanmoins, la décision de suivre cette voie doit être clairement communiquée pour construire un processus qui sera, à terme, plus flexible et adaptable aux besoins changeants.
Comme mentionné précédemment, prendre cette voie ne peut se faire sans une connaissance fiable de son stock. Les modèles d’IA et prédictifs permettent d’évaluer les fluctuations des besoins, de les anticiper et d’adapter les ressources humaines à la variation de l’activité.
Il convient de remarquer ici que la personnalisation ne peut pas ….mais doit aussi s’étendre à l’amont de la plateforme. Élaborer des partenariats avec les fournisseurs, incluant par exemple des clauses de performance ou la mise en place d’objectifs communs entre le fournisseur et le magasin, est un des principaux facteurs limitant la rupture de stock. À ce titre, il est intéressant de débuter par la mise en œuvre de réunions de suivi des principaux fournisseurs et par l’analyse des différents résultats obtenus (taux de retour, hors délais, commandes non-conformes…). De cette manière, une discussion sur base des constats, des conséquences et des contraintes de chacun peut débuter…et des solutions peuvent être trouvées.
En conclusion, la plateforme logistique représente une solution gagnante pour les établissements de santé regroupés. En se projetant vers le futur via une intégration des technologies avancées, une automatisation des processus et une optimisation de la gestion des stocks, la plateforme permettra non seulement de répondre aux défis actuels, de réaliser des économies significatives, d’améliorer l'efficience de ses processus, mais également d’avoir un impact positif sur la qualité des soins prodigués aux patients.
