e Un regard sur la pénurie de personnel dans le secteur de la santé du point de vue de l'OCDE

Un regard sur la pénurie de personnel dans le secteur de la santé du point de vue de l'OCDE

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"Personnel, personnel, personnel...", résonne-t-il en réponse aux principaux défis du secteur des soins de santé.

pénurie de personnel

La pénurie de personnel soignant n'est pas un phénomène nouveau, mais une préoccupation persistante qui se retrouve dans tous les milieux dédiés à la santé et au bien-être.

En revanche, le bien-être et les soins de santé sont les secteurs de croissance du marché du travail flamand, avec 20% de l'emploi total et une croissance annuelle d'environ 2%. Dans plus de la moitié des pays de l'OCDE, la tendance au vieillissement - et la demande de soins qui en résulte - croît plus rapidement que la croissance de l'offre de soins de longue durée.[1] Toutefois, le nombre de travailleurs dans le secteur des soins de longue durée a stagné ou diminué ces derniers temps. Un tiers des travailleurs du secteur des soins ont également plus de 50 ans, et pour 100 départs (plus âgés), on compte environ 60 entrées (plus jeunes), ce qui donne lieu à plus de 20 000 postes vacants. Cela conduit donc également à un vieillissement des personnes actives dans le secteur des soins, une tendance qui, de plus, est 3 fois plus rapide par rapport aux autres secteurs du marché du travail.[2] Les chiffres montrent que le taux d'employabilité dans le secteur des soins et du bien-être - et en particulier dans les soins aux personnes âgées - est en baisse depuis 2010 (60% en 2010 ; 50,8% en 2019).[3] Dans les maisons de repos et de soins, ce taux s’élève à 41,5 %.[4] C'est également une perception fortement ancrée sur le marché du travail.

Une étude réalisée par le Département du travail et de l'économie sociale a estimé qu'au cours des 45 prochaines années, la demande de main-d'œuvre augmentera de 41 % dans les hôpitaux, de 170 % dans les maisons de repos et soins et d'environ 90 % dans les segments des soins à domicile.[5] Le problème lié au manque de personnel de santé est donc aigu.

 

Politique à voies multiples

Bien entendu, la Belgique n'est pas le seul pays à être confronté à ce problème. Cela signifie que nous avons peut-être aussi beaucoup à apprendre les uns des autres. Un récent rapport de l'OCDE, intitulé "Who cares ? Attracting and Retaining Care Workers"[6], résume le problème pour les pays de l'OCDE et trouve de nombreuses similitudes.  Sur un seul axe stratégique pour pallier le manque de personnel n'offrira pas suffisamment de possibilités. Une politique à plusieurs axes est nécessaire ici pour répondre aux besoins futurs de notre pays. Le rapport classe les recommandations selon trois axes : le recrutement de nouveaux employés, le maintien et la rétention des employés déjà en place et l'augmentation de la productivité. Une fois encore, nous utilisons ces trois pistes pour partager quelques idées et exemples concrets. Pour chacune de ces voies, les organisations de soins de santé sont toutefois soumises aux réglementations et aux modalités de financement existantes.

 

Recrutement de nouveaux travailleurs

Investir dans cette voie s'avère efficace en apportant un soutien financier à la formation du personnel des soins (de longue durée), en offrant des perspectives de carrière et d'autres moyens de rendre le secteur plus attrayant.

Le rapport de l'OCDE souligne également que le "vivier" dans lequel on peut recruter peut être considéré de manière plus large. Par exemple, le programme norvégien "Men in Health Recruitment Programme" met l'accent sur le recrutement et la formation des hommes dans le secteur de la santé et des soins. Ces initiatives s'avèrent efficaces car les hommes restent plus longtemps dans le secteur et travaillent plus d'heures en moyenne que les femmes. La mobilité de la main-d'œuvre peut également offrir des opportunités. Aurora est un projet pilote, mené par le consortium Dignitas, qui vise à combler les postes vacants dans le secteur des soins par une mobilité active de la main-d'œuvre en provenance de régions et de pays disposant d'une réserve de personnel soignant qualifié. Par exemple, Aurora a veillé à ce qu'un groupe d'infirmières indiennes bénéficie d'une période de préformation intensive d'environ six mois et soit employé dans une maison de repos. Le projet a également apporté une nouvelle expertise, développant une sensibilité différente aux questions de diversité.[7]

 

Se concentrer sur la rétention des employés déjà en place

Pour agir sur cette deuxième piste, le rapport de l'OCDE se concentre principalement sur l'augmentation de la qualité du travail (et donc de la satisfaction) des salariés.

Les options à cet effet, outre l'offre d'un salaire attrayant, comprennent la promotion d'un environnement de travail plus sain. Si nous interprétons ce concept au sens large, il inclut également l'organisation du travail dans l'établissement de santé. Par exemple, on constate une moindre rotation du personnel dans les organisations de soins aux personnes âgées dont les modèles de gestion permettent une plus grande flexibilité dans les horaires (par exemple, des horaires flexibles) et le choix des équipes. Les équipes autogérées, par exemple, accordent aux infirmières une plus grande autonomie pour déterminer non seulement le type mais aussi la quantité de soins dont chaque patient a besoin. Le modèle Buurtzorg des Pays-Bas constitue un bon exemple à cet égard.

 

Miser sur une augmentation de la productivité

Cette troisième piste peut être abordée de plusieurs manières. Premièrement, l'intégration de technologies innovantes peut aider le personnel de santé à surveiller, enregistrer et traiter les données des patients. Actuellement, ces technologies font leur entrée dans le secteur sous des formes relativement "simples" (pensez aux smartphones, aux systèmes d'alarme, aux capteurs et aux moniteurs GPS, etc.), mais des dispositifs plus sophistiqués (par exemple, des robots de surveillance et de guidance) ou des technologies plus complexes (par exemple, des maisons intelligentes autosuffisantes) font également de plus en plus de progrès.

Une deuxième stratégie consiste à assurer une meilleure coordination des prestataires de soins (formels et informels) afin de promouvoir des soins plus intégrés. En effet, de nombreux pays s'appuient largement sur les aidants informels pour aider les personnes âgées : cette part est la plus élevée des pays de l'OCDE en Belgique, avec 46 % d'aidants informels. Cependant, nous constatons souvent un manque de coordination dans ce domaine. Outre les aidants informels, nous constatons également que les personnes âgées de 60 ans et plus s'engagent plus souvent qu'auparavant dans des activités bénévoles et qu'elles participent beaucoup plus aux soins de santé que les personnes âgées de 15 à 49 ans.[8] Cela peut également être réglé par une politique de coordination bien développée. De ce point de vue, en Norvège et en Allemagne (entre autres), des casemanagers sont mis en place, dont la communication entre les prestataires de soins formels et informels (et la formation aux techniques de communication) fait partie des attributions. (OCDE, 2020)

Enfin, la réduction de ce que l'on appelle "skills mismatch" peut également avoir un impact positif sur la productivité et la satisfaction du personnel soignant. Grâce au transfert des tâches, celles-ci peuvent être redistribuées au sein des équipes et entre elles afin de mieux adapter les compétences aux besoins (changeants) des bénéficiaires de soins et aux nouvelles possibilités (technologiques, par exemple). Cela contribue donc à la mise en place d'un système de soins plus intégré, centré sur le patient et le client, adapté à l'évolution de la demande de soins, dans lequel l'apprentissage tout au long de la vie et la formation interdisciplinaire sont essentiels.[9] Le transfert des tâches peut également être défini de manière très large : la loi sur les soins informels en Finlande, par exemple, clarifie les tâches que les aidants informels peuvent assumer et le soutien qu'ils peuvent attendre à cet égard, et évite aux prestataires de soins de devoir fournir eux-mêmes ces informations aux aidants informels. Lors du transfert des tâches, il est important de rester attentif aux risques de fragmentation des tâches, qui réduit considérablement les avantages du transfert des tâches ainsi que la satisfaction des employés.

 

L'importance de la revalidation et de la prévention

Enfin, dans cette histoire de pénurie de personnel et de demande croissante de soins, nous devons rester attentifs à l'offre de revalidation et de prévention. À cet égard, le secteur des soins de longue durée recèle encore un grand potentiel : le rapport de l'OCDE indique que peu de pays investissent dans des activités axées sur la revalidation et le retour à l'autonomie. Les pays scandinaves, qui offrent une grande diversité de formes de soutien, constituent un exemple inspirant. L'objectif de leurs politiques est de permettre aux personnes âgées de vivre à domicile le plus longtemps possible grâce à des soins à domicile de qualité et en mettant l'accent sur la revalidation et la réhabilitation.[10] À Oslo, par exemple, un projet autour de la " Réhabilitation quotidienne à domicile (ERH) " a été lancé, dans lequel des infirmières, des physiothérapeutes, des ergothérapeutes et d'autres professionnels de la santé proposent ensemble des services axés sur la revalidation.[11]

 

Un processus d'amélioration continue

Il est clair qu'il n'existe pas de réponse toute faite à la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur des soins de santé et qu'une combinaison de mesures et d'interventions est nécessaire pour relever le défi. Ce qui ressort clairement du rapport de l'OCDE, c'est que nous devons sans cesse remettre en question notre modèle actuel de soins et de fonctionnement et regarder au-delà des frontières de notre propre pays pour apprendre des autres.

 

Références :

[1] OECD. (2022). OECD Health Statistics. https://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/base-donnees-sante.htm

[2] Statbel. (2020). Plus de 700.000 personnes occupées actives dans le secteur du soin. https://statbel.fgov.be/fr/nouvelles/plus-de-700000-personnes-occupees-actives-dans-le-secteur-du-soin

[3] Zorgnet-Icuro. (2020). Betere zorg door werkbaar werk. Opgehaald van https://zorgwijzermagazine.be/ouderenzorg/betere-zorg-door-werkbaar-werk/

[4] SERV. (2019). Werkbaarheidsprofiel Zorg- en Welzijnssector. Opgehaald van https://www.serv.be/stichting/publicatie/werkbaarheidsprofiel-zorg-en-welzijnssector-2019

[5] Cuyvers, G., & Kavs, J. (2001). De huidige en toekomstige behoeften van allochtone ouderen aan welzijns- en gezondheidsvoorzieningen. Geel: Katholieke Hogeschool Kempen, Departement Sociaal Werk.

[6] OECD. (2020). Who Cares? Attracting and Retaining Care Workers for the Elderly. OECD Health Policy Studies.

[7] Zorgnet-Icuro. (2022). Arbeidsmigratie als antwoord op personeelsschaarste. Opgehaald van https://www.zorgneticuro.be/nieuws/arbeidsmigratie-als-antwoord-op-personeelsschaarste-video-en-zorgwijzerartikel

[8] Koning Boudewijnstichting. (2019). LE VOLONTARIAT EN BELGIQUE 2019 – CHIFFRES CLÉS. https://kbs-frb.be/fr/le-volontariat-en-belgique-2019-chiffres-cles

[9] Aeyels, D. (2021). Radicaal hertekenen van zorgberoepen - Pistes om personeelstekort in welzijn & zorg op te lossen. VOKA Health Community.

[10] Nies, H., Herps, M., Vreeken, E., Wijk, E. v., Zonneveld, N., & Spierenburg, M. (2019). Ouderen- en gehandicaptenzorg in Scandinavië: op zoek naar nieuwe bronnen voor duurzame vernieuwing. Utrecht: Vilans. Opgehaald van https://www.tweedekamer.nl/sites/default/files/atoms/files/printversie_rapport_scandinavie_april_2019.pdf

[11] University of Oslo. (2019). Integrated care initiatives for the elderly in Europe: Everyday Rehabilitation at Home (ERH). https://www.med.uio.no/helsam/english/research/projects/integrated-care-initiatives-elderly-europe/

 

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